dimanche 15 avril 2018

J'ai déménagé




En 2015, j’ai décidé de changer de crèmerie. Il était temps pour moi quitter le cocon familial et de tenter ma chance seule.

Avant de déménager, je me suis évidemment lancée dans la recherche d’un appart’.
Tout a commencé par Immoweb, le site que toute la Belgique utilise, œuf corse. Mes recherches m’ont menée au total à trois visites, dont l’une s’est soldée par la signature d’un contrat de bail. 

La première visite, c’était un duplex. Les photos étaient vraiment top, l’appartement avait son charme. Je suis arrivée sur place avec ma maman qui me connaît très bien et qui sait tout de suite m’aider en cas de besoin. On est arrivé, on a rencontré l’agent immobilier qui nous a indiqué l’entrée de la maison dans laquelle se trouve l’appartement. Outre, l’aspect vieillot de la bâtisse, l’escalier en décomposition longé par la rambarde rouillée ne m’inspirait pas confiance.

Une fois entrée dans l’appartement, je constate les murs roses bonbon et l’homme du KGB assis derrière une table portant encore la cicatrice d’un énervement certain. L’homme ne me met pas en confiance, il me fout carrément les boules. Je regarde ma mère et file à l’étage où se trouvent la chambre et la salle de bain. Non, pardon, la chambre de bain : la douche donne directement sur la chambre, et il n’y a pas de séparation pour empêcher l’eau de s’écouler partout. Je regarde ma maman, elle me regarde, on sourit et on sort, tout en lâchant quelques « oui, c’est sûr, il a du charme. Il faut juste s’imaginer un peu. » Après cette visite de 9 minutes et 37 secondes, je rentre à la maison sans avoir trouvé le graal.

La deuxième visite, c’était un appartement avec deux chambres. Sur les photos, l’appartement avait l’air un peu petit, mais cosy. Je sais, c’est comme ça que tout le monde exprime une concession. Mais il était vraiment cosy, vous savez. J’arrive sur le lieu de rendez-vous, toujours accompagnée de ma maman, où je rencontre un nouvel agent immobilier. Celui-ci m’annonce la mauvaise nouvelle d’entrée : il s’est « trompé de trousseau de clefs ». Jeune, mais pas dupe, je l’invite à me montrer l’appartement évidemment plus cher que celui que je venais initialement visiter. Salaud.

Je rentre dans l’appartement, et là… Bardaf, c’est l’embardée, comme dirait l’autre. L’appartement a deux chambres et un jardin, une cuisine tout équipée et surtout, il a de la gueule. Je me dis donc que je vais me faire avoir. Ma mère me regarde et comprend tout de suite que j’ai un coup de cœur pour cet appartement. Pendant que l’agent immobilier se dit « c’est dans la poche », je me répète « salaud », en souriant légèrement. Après 20 minutes de visite, je décide de quitter les lieux et d’y réfléchir avec l’aide et les conseils de mes parents.  

La troisième visite, c’était un appartement au 2e étage avec vue sur un très beau parc. Cuisine équipée, espace de vie assez grand, très chouette. J’arrive cette fois-ci seule à la visite et rencontre l’agent immobilier. Pas dégueulasse. Ni l’appartement, d’ailleurs. Avant d’entrer dans l’immeuble, je remarque une bande de jeunes qui se met bien et qui fait pas mal de bruit. Ça fait mémé qui veut son calme, mais ça a son importance. On passe les portes.

D’entrée de jeu, le fantôme de ma visite précédente vient me hanter. À la manière d’une femme en deuil, je compare l’appartement n° 2 à tout ce que je vois, en me disant que le précédent, je l’avais tant aimé et que jamais, au grand jamais, je n’éprouverai tels sentiments à nouveau. On entame la visite.

Je ne suis pas tout à fait convaincue. La chambre est assez petite, et les occupants n’ont pas eu d’autre choix que de caler le lit contre la paroi des deux murs en tête et pied de lit. Pour ouvrir la fenêtre, il faut donc escalader le lit. Pratique. On repasse au living où je remarque qu’il fait assez chaud. L’agent me dit tout de suite qu’on peut ouvrir les fenêtres qui donnent sur le petit balcon. Il s’exécute et là, j’entends la musique du groupe de jeunes logé sur les bancs en contrebas. Je fais la remarque à l’agent qui me dit « pas de soucis à ce niveau-là, les fenêtres, c’est du double vitrage ». Je lui ai donc répondu qu’en rentrant chez moi après le travail les soirs d’été, je pouvais ainsi profiter de ma tranquillité comme un petit rôti enfermé dans un four insonorisé. J’ai souri, il était mal à l’aise, je lui ai souhaité la bonne soirée et j’ai contacté l’agent du 2e appart’. Il est à moi.  

Il y a presque trois ans, j’ai donc pris mon envol. J’ai quitté le nid familial. Ma maman a probablement cru que je l’abandonnais à jamais et que je ne lui donnerais plus jamais de nouvelles. Mon papa s’est probablement dit que la maison allait être plus calme, certes, mais que j’allais quand même lui manquer. Et moi, je me suis dit : ma vie commence, ça va être gé-nial. Et puis, j’ai dû meubler mon appart’.