Tôt ce matin, ma maman m’a appelée à 5h43. « Elle est
partie, ça y est. » Au final, l’attente n’aura duré que quelques heures.
Elle n’a pas souffert. Elle ne s’en est pas rendu compte. Tôt ce matin, Mamy
Gisoule s’en est allée.
Après autant d’années, nos proches deviennent éternels à nos
yeux. Ils sont « acquis » et ne nous laisseront jamais. Ils tombent
malade, mais s’en remettent. Ils vieillissent, mais vieillissent plutôt bien.
Quand la maladie s’installe, ils luttent et continuent à vivre entourés de leur
famille. On n’imagine jamais qu’un jour, ils vont nous quitter.
Mamy Gisoule, elle a vécu. Ça oui. Elle a eu 11 enfants. Elle
est née au début du 20e siècle. Elle en a vu des choses. Elle en a
vécu des choses. Elle racontait ses histoires tantôt avec une fierté incomparable,
tantôt avec un sourire gêné au coin des lèvres. Elle était de ces personnes qui
restent malgré toutes les épreuves de la vie des personnes entières et
joyeuses. Ces gens qui savent ce qui vaut la peine d’être vécu. Ces fameux « bons
vivants ».
Mamy Gisoule, ma mamy ch’ti, elle aimait boire sa bonne
bière. Elle préférait l’apéro au repas. Elle aimait aussi plus les sucreries
que la viande, ce qui faisait très souvent le bonheur du chien assis à côté d’elle
à table.
Mamy Gisoule, elle jouait au rami. Elle trichait au rami. Elle
te jurait qu’elle ne trichait pas au rami. Elle s’engueulait avec sa sœur Solange
parce qu’elle l’accusait de tricher au rami. Elle me faisait un clin d’œil avec
un sourire malicieux parce qu’elle savait qu’elle s’était fait prendre à
tricher au rami.
Mamy Gisoule, elle chantait à toutes les réunions de
famille. Et tout le monde l’écoutait parce que sa voix était puissante et envoûtante.
Elle criait sur celui ou celle qui ne l’écoutait pas et reprenait là où elle
avait abandonné la chanson. Elle aimait dire « quel con c’ti-là » et « cho
vo aller ichi ?! ».
Mamy Gisoule, elle avait beaucoup de petits-enfants. Elle me
donnait 10 francs pour aller chercher des bonbons chez l’Arabe au coin, mais « te
gardes ça pour toi, hein, m’tchiote ». Elle nous appelait toujours « les
gosses », et quand on jouait au ballon dans sa cour et qu’on faisait un
peu de dégâts, on avait droit à un « oh les gosses ! Ça suffit ! ».
Et on recommençait.
Mamy Gisoule, elle préparait le couscous avec ses mains, et
c’était délicieux. Elle nous accueillait à chaque occasion. On se retrouvait
tous et on ne voulait jamais partir. On faisait les cons dans le quartier, on
se faisait engueuler par nos parents. Mamy Gisoule nous défendait en disant « oh
cho vo hein, ché des gosses hein ! Y font rein d’mal, hein. Et vous alors ?
Vous m’en avez fait vire auchi, hein, vous avez auchi fait les cons hein, alors ! ».
Elle finissait par s’engueuler avec nos parents pendant que nous, on filait.
Mamy Gisoule, le dimanche, elle regardait Telefoot et après, l'émission de Pascal Sevran. Elle regardait aussi presque religieusement Plus belle la vie, tous les jours. Et si quelqu'un avait le malheur de dire que c'était n'importe quoi cette série, elle la défendait avec un « oh cho vo hein, ti, écrase ta banane ! ».
Mamy Gisoule, le dimanche, elle regardait Telefoot et après, l'émission de Pascal Sevran. Elle regardait aussi presque religieusement Plus belle la vie, tous les jours. Et si quelqu'un avait le malheur de dire que c'était n'importe quoi cette série, elle la défendait avec un « oh cho vo hein, ti, écrase ta banane ! ».
C’est dingue de voir qu’à l’aube du crépuscule de sa vie, ce
que j’ai vécu avec elle défilait devant moi en flashes. Maintenant qu’elle est
partie dans la nuit, tout est clair. Les images me reviennent, et j’entends sa
voix. Le rami ne se jouera plus de la même façon. Les chansons d’Édith Piaf ne
raisonneront plus de la même manière.
Mamy Gisoule, tu vas laisser un grand vide. Mais je préfère
me remémorer tous ces bons moments et je trouve du réconfort dans l’idée quand durant
toutes ces années, tu as aimé, tu as vécu. C’est le principal. On se revoit un
jour. En attendant, perfectionne tes techniques de triche et continue à chanter
là où tu es maintenant.
Au revoir Mamy Gisoule.
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