samedi 25 janvier 2020

Mamy Gisoule


Tôt ce matin, ma maman m’a appelée à 5h43. « Elle est partie, ça y est. » Au final, l’attente n’aura duré que quelques heures. Elle n’a pas souffert. Elle ne s’en est pas rendu compte. Tôt ce matin, Mamy Gisoule s’en est allée.

Après autant d’années, nos proches deviennent éternels à nos yeux. Ils sont « acquis » et ne nous laisseront jamais. Ils tombent malade, mais s’en remettent. Ils vieillissent, mais vieillissent plutôt bien. Quand la maladie s’installe, ils luttent et continuent à vivre entourés de leur famille. On n’imagine jamais qu’un jour, ils vont nous quitter.

Mamy Gisoule, elle a vécu. Ça oui. Elle a eu 11 enfants. Elle est née au début du 20siècle. Elle en a vu des choses. Elle en a vécu des choses. Elle racontait ses histoires tantôt avec une fierté incomparable, tantôt avec un sourire gêné au coin des lèvres. Elle était de ces personnes qui restent malgré toutes les épreuves de la vie des personnes entières et joyeuses. Ces gens qui savent ce qui vaut la peine d’être vécu. Ces fameux « bons vivants ».



Mamy Gisoule, ma mamy ch’ti, elle aimait boire sa bonne bière. Elle préférait l’apéro au repas. Elle aimait aussi plus les sucreries que la viande, ce qui faisait très souvent le bonheur du chien assis à côté d’elle à table.

Mamy Gisoule, elle jouait au rami. Elle trichait au rami. Elle te jurait qu’elle ne trichait pas au rami. Elle s’engueulait avec sa sœur Solange parce qu’elle l’accusait de tricher au rami. Elle me faisait un clin d’œil avec un sourire malicieux parce qu’elle savait qu’elle s’était fait prendre à tricher au rami.

Mamy Gisoule, elle chantait à toutes les réunions de famille. Et tout le monde l’écoutait parce que sa voix était puissante et envoûtante. Elle criait sur celui ou celle qui ne l’écoutait pas et reprenait là où elle avait abandonné la chanson. Elle aimait dire « quel con c’ti-là » et « cho vo aller ichi ?! ».

Mamy Gisoule, elle avait beaucoup de petits-enfants. Elle me donnait 10 francs pour aller chercher des bonbons chez l’Arabe au coin, mais « te gardes ça pour toi, hein, m’tchiote ». Elle nous appelait toujours « les gosses », et quand on jouait au ballon dans sa cour et qu’on faisait un peu de dégâts, on avait droit à un « oh les gosses ! Ça suffit ! ». Et on recommençait.

Mamy Gisoule, elle préparait le couscous avec ses mains, et c’était délicieux. Elle nous accueillait à chaque occasion. On se retrouvait tous et on ne voulait jamais partir. On faisait les cons dans le quartier, on se faisait engueuler par nos parents. Mamy Gisoule nous défendait en disant « oh cho vo hein, ché des gosses hein ! Y font rein d’mal, hein. Et vous alors ? Vous m’en avez fait vire auchi, hein, vous avez auchi fait les cons hein, alors ! ». Elle finissait par s’engueuler avec nos parents pendant que nous, on filait.

Mamy Gisoule, le dimanche, elle regardait Telefoot et après, l'émission de Pascal Sevran. Elle regardait aussi presque religieusement Plus belle la vie, tous les jours. Et si quelqu'un avait le malheur de dire que c'était n'importe quoi cette série, elle la défendait avec un « oh cho vo hein, ti, écrase ta banane ! ».

C’est dingue de voir qu’à l’aube du crépuscule de sa vie, ce que j’ai vécu avec elle défilait devant moi en flashes. Maintenant qu’elle est partie dans la nuit, tout est clair. Les images me reviennent, et j’entends sa voix. Le rami ne se jouera plus de la même façon. Les chansons d’Édith Piaf ne raisonneront plus de la même manière.

Mamy Gisoule, tu vas laisser un grand vide. Mais je préfère me remémorer tous ces bons moments et je trouve du réconfort dans l’idée quand durant toutes ces années, tu as aimé, tu as vécu. C’est le principal. On se revoit un jour. En attendant, perfectionne tes techniques de triche et continue à chanter là où tu es maintenant.

Au revoir Mamy Gisoule.

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