Enfin, l’un
de mes rêves s’est réalisé. Je me suis fait tatouer pour la première fois.
Il y a eu
plusieurs phases. La première, c’était l’idée de me faire un tatouage.
L’histoire remonte… à la nuit des temps… Ou à 10 – 15 ans, c’est selon. J’avais
à l’idée de me faire tatouer un truc tribal. Ouais, arrêtez de juger, vous avez
eu des idées de ce genre aussi parce qu’à l’époque, c’était la mode. Au fil des
ans, fort heureusement, l’idée a pris forme, et je me suis dirigée vers quelque
chose de plus personnel. Quelque chose de plus intime. Je ne savais pas encore
ce que j’allais faire, mais ça n’aurait pas été un tribal.
Ensuite, il
y a eu la phase d’attente. Parce que j’étais jeune, parce que je vivais encore
chez mes parents, parce que c’était cher. Enfin, ça l’est toujours, mais
maintenant que je bosse et que je suis pétée de thunes (il faut juste pas que
j’ouvre le frigo pour continuer à y croire), c’est plus facile. J’ai donc
attendu que la situation change pour me lancer.
Place à la
phase numéro 3 : je ne vis plus chez mes parents, je suis plus âgée (non,
non, l’âge d’une dame ne se demande pas, bande de coquins – j’approche de la trentaine),
j’ai les moyens, je peux y aller. Alors, la phase 3, c’est quoi, allez-vous me
dire… Beh dites-le. Allez-y. La phase 3, c’est que j’ai tout ce qui faut, mais
j’ai surtout les boules. Parce que plus rien ne m’empêche de réaliser mon rêve.
Sauf moi. Et mes boules. Enfin, ma peur. Parce que j’ai pas de… Enfin, vous
voyez… de… ‘Fin vous voyez quoi.
Phase
numero quatro. Il y a eu un changement dans ma vie. J’ai pris la décision de la
vivre, ma vie. Et de faire ce que je voulais faire, merde. C’est d’ailleurs
comme ça que je me suis dit que j’allais enfin faire le nécessaire pour rouler
à moto. Et en tant que future bikeuse de la mort, il me fallait un tatouage
#clichéquandtunoustiens. Le 20 juillet 2018, j’ai donc pris ma voiture et je
suis allée au shop. Ouais-han, c’est comme ça que ça se dit dans le milieu-han
(à lire sur ce ton : https://www.youtube.com/watch?v=a3WuxELOKJA).
Le shop, c’est La Main Bleue, à Saint-Ghislain. Allez-y, c’est génial. Le
compte instagram : https://www.instagram.com/ludolamainbleue/?hl=fr.
J’ai pris mon rendez-vous. Il ne me
restait plus qu’à me préparer.
La
cinquième étape, et non des moindres : le tattoo. Le jour J. L’heure H.
L’instant T. La secon- ouais, vous suivez. Hier, lundi 03/09/2018, je suis
allée à La Main Bleue où m’attendait Rasenk, mon tatoueur (la vache, ça le fait
de le dire comme ça !). Le compte instagram : https://www.instagram.com/rasenk/?hl=fr.
On s’est dit bonjour, il m’a montré le dessin, j’ai eu les yeux embués
tellement c’était beau, j’ai souri comme une béate jusqu’au moment où il m’a
demandé d’enlever mon pantalon. Et là, bardaf, c’est l’embardée… Attendez, non,
non, c’est pas ce que vous pensez, bande de cochons. J’ai enlevé mon pantalon
parce que le tattoo allait être fait sur la cuisse. Non, mais. Je me suis
installée sur la table. Il m’a dit de me relaxer. De bien respirer. C’est
parti. Il pique.
Ça a duré
5h. Rasenk a commencé par les lignes. « Des griffes de chat, tu vas voir.
» « Une grosse pincette, tu sens presque rien. » « Je connais des
gens qui se sont endormis ». [La production tient à vous présenter ses excuses
pour les propos qui vont suivre. Ceux-ci sont à caractère injurieux et peuvent
heurter la sensibilité des plus jeunes]. Non mais vous vous foutez de ma
gueule ?! J’ai chié comme jamais ! J’ai cru que j’allais perdre la
jambe ! Je me suis sentie partir ! Quel est le connard qui s’endort
pendant un tatouage (pardon pour ce connard) ?! Ceux qui me connaissent
bien savent que j’exagère un tantinet. J’avoue que les lignes, c’était pas le
pire. J’ai pris connaissance de la douleur, et ça a été.
Ensuite, Rasenk
est passé aux noirs. Je ne ferai pas de mauvais jeux de mots. C’était pas le
pire non plus. C’est une autre douleur. La peau devient plus sensible à force
d’être piquée, mais ça va.
Après ça,
on a fait les ombrages. Là, ça commençait à être tendu. On en était à un peu
plus de la moitié du travail, et ça devenait long (CMB !, comprenne qui
pourra). Je commençais à me concentrer sur la douleur plus que sur autre chose.
Enfin, les
couleurs. Mais pourquoi diable a-t-il fallu que je demande des couleurs ?!
C’était le pire pour moi. J’étais au bout de ma vie. Je sentais la fin arriver.
Je voyais cette lumière blanche s’approcher (ça, j’invente pas, c’était la
lampe de Rasenk qu’il venait de rapprocher puisqu’il faisait de plus en plus
sombre). Je sentais mon âme s’élever doucement au-dessus de mon corps perdant
toute essence de vie, quand soudain, j’ai eu une épiphanie. J’ai compris. À la
manière des grands sportifs, je me suis sentie exténuée, vidée, à bout. Je n’en
pouvais plus, et il restait 40 minutes de travail. Ma peau ne supportait plus
rien, pas même le papier essuie-tout imbibé d’eau qu’apposait Rasenk et qui
était censé apaiser ma douleur. C’est là que ce fameux second souffle est venu.
J’ai compris qu’il fallait que j’accepte la douleur comme elle était et non que
je la combatte. Cette douleur qui nous fait perdre tous nos moyens une fois
qu’elle nous domine. Il y a eu un déclic. Un échange de pouvoir. C’est moi qui
la contrôlais. Moi qui la comprenais et l’acceptais. Je la domptais, petit à petit,
et j’ai fini par l’apprécier. Cette douleur qui me faisait me sentir vivante.
Elle me donnait la sensation que je recherchais. Les 30 dernières minutes ont
été les meilleures. J’ai pu vivre cette expérience, mon rêve, en pleine
connaissance de mes ressources, en plein contrôle de mes émotions et de mon
corps. Je n’aurais jamais cru dire ou écrire ça, vraiment. Il faut le vivre
pour le comprendre.
Petit
bonus : il paraît que pas mal de personnes tombent dans les pommes ou font
une petite chute de tension une fois le travail fini. C’est parce que le corps
se relâche après avoir été tendu et avoir livré beaucoup d’énergie.
Personnellement, ça ne m’est pas arrivé. J’ai simplement dû m’assoir, boire du
coca et demander à ma meilleure pote de venir me chercher. C’est pas la même
chose. Dans tous les cas, prévoyez du coke et des bananes.
La sixième
et dernière phase est naturellement celle que j’ai préféré : le tattoo est
terminé et putain, il a de la gueule. Cette phase me permet d’admirer mon
tattoo et de me dire : « Milliard, plus jamais je fais ça !
Bordel, ça fait mal ! Mais ça en valait la peine. » Bon, après, j’ai
déjà dépassé le stade équivalant à celui du bourré, le stade « plus jamais
je bois ». Je suis juste en train de me dire qu’il faut que je patiente un
peu pour le deuxième.
Il ne me
reste plus qu’à attendre que mon tattoo guérisse. Je peux maintenant le
contempler en me disant que je suis fière de mon expérience et finalement, de
moi, tout court. J’ai réalisé un rêve. C’était pas le plus facile, mais c’est
le premier d’une longue série.