Situation
Je suis à
moto sur une route à deux bandes, je roule sur la bande de droite à 90 km/h,
soit la vitesse maximale autorisée.
En face,
une file interminable de voitures coincées derrières trois
moissonneuses-batteuses les obligeant à rouler à même pas 50 km/h.
Entre deux
voitures bloquées, un paysan sauvage apparaît dans sa camionnette rouge de type
véhicule utilitaire. Il s’insère dans le trafic, et moi, j’utilise le freinage
d’urgence assidument répété pendant les heures de moto-école et déjà appliqué
en situation réelle. Accessoirement, je fais un petit pipi dans ma culotte.
Tout en
freinant pour passer de 90 km/h à 24 km/h exactement en l’espace de 3 secondes,
je klaxonne ardemment sur ledit paysan. Il s’écarte sur le côté droit pour
éviter la collision. Tout en passant devant lui, je lui fais un geste connu
dans le monde entier, celui qui signifie « NON MAIS T’ES MALADE OU QUOI ?! ».
Rien d’obscène, donc.
ET LÀ…
bardaf, c’est l’embardée.
Réaction
Nous
appellerons le paysan Tyron. Il faut avouer, objectivement, qu’il avait quand
même une bonne tête de champion, celle du baraki de kermesse fini à la pisse
entre deux carapils une nuit d’été durant laquelle ses malheureux parents ont
décidé d’investir dans de l’alcool plutôt que dans des moyens de contraception.
Nous appellerons le paysan également « vil faquin », parce que j’aime
bien cette insulte.
Tyron sentant
ses deux neurones l’abandonner, décide d’un coup d’accélérer et de me coller.
Il se déporte cette fois-ci vers la gauche, me dépasse et vient s’intercaler
devant moi en me faisant des gestes que je ne parviens pas à déchiffrer. À mon
tour de lui refaire le geste « MAIS T’ES FOU, MA PAROLE ?! ».
Là, il freine et me signifie de m’arrêter sur le bas-côté, lui-même s’y étant
déjà installé.
Je ne m’exécute
naturellement pas et repasse devant lui en réitérant le geste « MAIS T’AS
DES FILS QUI S’TOUCHENT, TOI ! ». Je me reconcentre sur la route
puisqu’on ralentit avant l’arrivée au feu tricolore. Tyron se sent cette fois
pousser des testicules et décide de se mettre à nouveau sur le bas-côté en me
dépassant par la droite et en empruntant la piste cyclable, œuf corse.
Bien
décidée à lui foutre un coup de boule dans ses chicots probablement jaunis, je
m’arrête. Voici notre discussion posée, réfléchie et méga-constructive :
- Vil faquin : « Keskia toi ? »
- Moi : « T’es pas bien ou quoi ? Tu
t’insères dans le trafic sans regarder, t’aurais pu me tuer ! Tu viens
ensuite me coller avant le feu rouge, si je freine, tu me rentres dedans et tu
m’écrases ! »
- Paysan de tes morts : « Ta vu la vitesse ouske tu roule ? »
[Oui, parce
que Tyron a un radar mobile à la place des yeux]
- Moi : « Fieu, je roule à 90 km/h !
Et peu importe la vitesse, que ce soit 50 km/h, 90 km/h ou 150 km/h, t’as pas à
faire ça ! »
- Vieille bouse : « Oé, t’a moto ses facile, tu
roule trot vite. Tu veut appelé la police ? »
- Moi : « T’es con où tu le fais exprès ?
Tu deviens un danger de mort quand tu fais des conneries pareilles ! Tu
veux qu’on appelle la police, aucun problème, fieu ! »
[Je fais
mine de prendre mon téléphone et le vil faquin décide de repasser la première
et de redémarrer doucement]
- Moi : « Quoi, tu veux plus appeler la
police ? Tu veux pas les faire constater que t’es fini à la pisse ? »
- Coureur de rampart : « Oé, apprent a roulé dja. »
[ATTENTION,
ALERTE AUX CLICHÉS]
- Pignouf mal-léché : « D’fasson, les motard roule trot
vite. Et puit, tes une meuf, les motos ses pas pour les femmes. »
- Moi : « Putain, tu vis dans quel siècle,
toi ? Achète-toi une trottinette, ça t’évitera de faire de la merde !
»
- Coquefredouille : « Oé, ses bien, fo pas roulé si on
ses pas. Ta bien dla chanse que tes une femme. »
- Moi : « Pourquoi ? Tu veux sortir
de ta poubelle ? Allez, sort. »
- Raclure de bidet : « Oé, tu va faire kwa ? »
- Moi : « Sors, on verra »
- Coprolithe : « Oé, sé sa, oé »
- Moi : « Tu sais quoi, tu fais le malin,
mais t’es juste profondément débile. T’as envie de passer devant tout le monde,
eh beh casse-toi. Tire-toi pauvre débile. »
[Voyant qu’il
n’est plus décidé à bouger, je l’invite une dernière fois cordialement à se
remettre en route]
- Moi : « Allez, bouge, maintenant, espèce
de baraki ! »
- Mufle dégénéré : « Oé ses sa, vieille gouine. »
Voilà notre
discussion élaborée. Quelques secondes plus tard, le vil faquin s’est retrouvé
bloqué derrière une voiture qui roulait en-deçà de la limitation à 90 km/h. Je
me suis donc empressée de le dépasser fissa, fissa, tout en lui montrant un
autre geste mondialement connu et utilisé : (musique divine, s’il vous
plaît) ♫ le doigt d’honneur des famiiiiiiiiilles ♫
Conclusion
Ceci n’est
qu’un exemple parmi tant d’autres. Sur une note un peu plus sérieuse, si j’ai
une chose à vous demander, c’est la suivante : faites attention aux motards.
Ne pensez
pas que vous avez le temps de vous insérer dans le trafic ; que le/la
motard/e vous évitera, c’est facile sur un deux-roues ; que de toute
façon, ils n’ont qu’à rouler moins vite ; que ce sont tous des cons qui
veulent aller vite ; qu’ils se tueront bien eux-mêmes, c’est pas en les
embêtant un peu qu’il se passera quoi que ce soit.
En roulant
à la même vitesse, nous arrivons plus vite. Le freinage est la dernière option
pour nous et ne nous garantit pas un arrêt sans encombres. Nous risquons de
glisser en freinant, de chuter et de nous faire rouler dessus.
Nous ne
voulons pas tous rouler vite, mais nous vous dépasserons, même si vous ne nous
laissez pas passer. Nous voulons en effet profiter des beaux virages que nous
offrent nos régions. Ceci n’est pas possible quand vous êtes devant nous.
Nous
voulons rouler en toute sécurité. Ne nous collez pas parce que vous êtes
pressés ou parce que vous ne nous aimez pas. C’est l’un des comportements les
plus dangereux que vous pourriez adopter. Il va d’ailleurs de pair avec celui
qui vous pousse à vous mettre devant nous et à freiner abusivement.
Nous ne
sommes pas tous pareils sur nos motos. Ne faites pas d’amalgame et laissez-nous
profiter de nos balades. Nous avons trop de plaisir à rouler pour que vous nous
le gâchiez, vous les automobilistes inconscients et frustrés. Il n’est pas non
plus nécessaire de tenter de raccourcir nos balades et nos vies en voulant, l’espace
d’un court instant, jouer au matador avec nous.
Sachez une
chose : si un motard vous râle dessus, ce n’est pas pour le plaisir. C’est
qu’il y forcément quelque chose que vous avez fait qui était complètement
stupide ou qui lui a fait peur. Attention, je suis bien consciente que l’erreur
est humaine. Dans ce cas, on s’excuse et tout va bien.
La dose d’adrénaline
est puissante et les petits moments de stress sont nombreux à moto. Nous voyons
beaucoup plus les comportements dangereux, car nous sommes en alerte de la
première à la dernière seconde de notre balade. Si vous estimez ne rien avoir
fait de mal, mais que le motard s’énerve, pensez au fait que vous lui avez
probablement fait faire un petit caca dans son slip, d’une manière ou d’une
autre, et que sa réaction est souvent une réaction de peur.
Ne vous
emportez pas, ne nous gênez pas pour le plaisir. Nous comprenons aussi votre
frustration, vous qui êtes coincés derrière le volant. Nous vous dirons d’ailleurs
merci dans la mesure du possible lorsque vous nous ferez une fleur.
Respectons-nous
mutuellement. Nos journées n’en seront que plus belles ! Merci de penser à
nous !
PS : Rappelez-vous
aussi qu’un rétro, ça casse vite.
PS 2 :
Un casque dans le nez ou dans les dents, comme dirait le petit Christophe Maé,
ça fait mal.